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Le Vieillissement Immunitaire : Une Équilibre entre Protection et Auto-immunité

Les scientifiques ont proposé l’hypothèse que le vieillissement immunitaire pourrait être nécessaire pour protéger les individus des effets auto-immuns, car le répertoire des autoantigènes s’élargit avec l’âge. Le déclin du système immunitaire est un facteur majeur du vieillissement, rendant les individus plus susceptibles aux infections et au cancer. Cependant, l’auto-immunité est rarement évoquée dans le contexte du vieillissement, alors que des données épidémiologiques récentes suggèrent que de nombreuses maladies auto-immunes émergent principalement à un âge avancé, à l’exception notable du diabète de type 1. Une équipe de recherche de la Mayo Clinic, dirigée par la Dr Cornelia Weyand, a étudié une telle maladie : l’artérite à cellules géantes (ACG), un trouble auto-immun qui affecte les artères, et a découvert un lien intrigant avec le vieillissement. En étudiant plus de 100 patients âgés, les chercheurs ont constaté que leurs systèmes immunitaires étaient souvent étonnamment jeunes. Dans un nouvel article publié dans Nature Aging, les scientifiques rapportent qu’une population spéciale de cellules T semblables à des cellules souches persiste dans les corps des patients atteints d’ACG à des niveaux jeunes. Ces cellules, résidant dans des niches protégées au sein des parois des vaisseaux sanguins, alimentent constamment des cellules T effectrices fraîches et agressives qui attaquent le tissu des vaisseaux. Normalement, cette usine de cellules T semblables à des cellules souches devrait ralentir avec l’âge, mais chez ces patients, elle continue à fonctionner à pleine capacité. Les chercheurs étudient pourquoi certains individus ont une ‘fontaine de jouvence’ dans leurs systèmes immunitaires. Ils ont observé que ces patients ont des systèmes immunitaires très jeunes malgré leur âge avancé, mais le prix à payer pour cela est l’auto-immunité. Un système immunitaire sain possède des freins de sécurité intégrés. Lorsque les cellules T sont activées trop longtemps, comme dans une maladie chronique, les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) produisent des signaux inhibiteurs qui entraînent l’épuisement des cellules T. Chez les patients atteints d’ACG, les CPA ne parviennent pas à afficher les signaux ‘stop’ appropriés en surface. Par conséquent, les cellules T agressives n’obtiennent jamais le message de se calmer. Elles restent actives de manière incessante, provoquant inflammation et dommages continus. Bien que ces mécanismes de sécurité empêchent des dommages collatéraux des réponses immunitaires, ils pourraient également contribuer à la diminution de la fonction immunitaire liée à l’âge. Les chercheurs émettent l’hypothèse que l’affaiblissement progressif du système immunitaire avec l’âge peut être une adaptation bénéfique. À un jeune âge, le système immunitaire est encore en apprentissage, tant pour combattre les agents pathogènes que pour ne pas nuire au corps qu’il protège. Ce processus de création de tolérance au soi se produit alors que les cellules T et B se développent respectivement dans le thymus et la moelle osseuse. Là, elles sont testées contre les propres antigènes du corps. Si une cellule est auto-réactive, elle est soit détruite, soit rendue inoffensive, garantissant qu’elle ne peut pas provoquer de maladie auto-immune. Cependant, le vieillissement entraîne une augmentation du répertoire des auto-antigènes, car de nombreuses molécules émergent que le système immunitaire n’est pas formé à reconnaître. Les chercheurs discutent de diverses façons dont cela se produit : par exemple, les protéines de la matrice extracellulaire subissent des modifications chimiques telles que la glycation et la carbamylation. D’autres processus peuvent inclure des mutations de l’ADN, des échecs de protéostasie, des infections chroniques endommageant les tissus, et l’exposition à des polluants, tous élargissant le pool de cibles potentielles. L’article suggère que le déclin de la fonction immunitaire lié à l’âge, bien qu’il augmente notre vulnérabilité aux infections et au cancer, pourrait également être utile pour apaiser les réponses auto-immunes. À l’inverse, l’auto-immunité tardive peut apparaître lorsque certains composants du système immunitaire restent ‘trop jeunes’ et interagissent avec des tissus âgés qui génèrent de nouvelles cibles similaires au soi, de manière similaire à ce que les chercheurs ont trouvé chez les patients d’ACG. Les chercheurs soulignent qu’il y a des avantages à avoir un système immunitaire qui vieillit en tandem avec le corps. Cela implique que des tentatives simplistes pour rajeunir les systèmes immunitaires des personnes âgées pourraient avoir des conséquences inattendues, déclenchant des maladies auto-immunes qu’un système immunitaire ‘vieilli’ contrôlerait naturellement. Certaines thérapies anti-cancer sont déjà associées à des effets auto-immuns. Les futures interventions pourraient donc nécessiter une approche plus nuancée, peut-être en favorisant la tolérance aux nouveaux auto-antigènes ou en démantelant les niches cellulaires spécifiques qui permettent cette immunité ‘inappropriée à l’âge’. Il est intéressant de noter que, selon des recherches antérieures, les centenaires et supercentenaires sont souvent dotés de systèmes immunitaires jeunes. Peut-être qu’un mécanisme, ou même de la chance, leur permet de bénéficier des avantages d’un système immunitaire jeune sans ce compromis d’auto-immunité. Source : https://www.lifespan.io/news/an-overly-youthful-immune-system-might-cause-autoimmunity/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=an-overly-youthful-immune-system-might-cause-autoimmunity